Une semaine à s’occuper du plus jeune -gastro-, puis deux jours à être malade à son tour.

Petit garçon malade devenu dictateur, maman disponible le jour, la nuit, qui prend sur elle, qui s’oublie.

Petit garçon ne comprend pas pourquoi maman ne dit plus « oui », « d’accord mon petit chéri », pourquoi maman veut retrouver du temps pour elle, maintenant qu’il est guéri. Et ça trépigne, et ça exige, et ça claque des pieds, et ça part bouder… Maman se perd et s’exaspère, n’avance pas dans ses projets, sort les rames, pédale dans la semoule, maman perd patience.

Et le grand qui s’y met, oh, il ne fait pas grand chose, il attend, passivement, que le temps s’écoule, gentiment, pendant que sa mère court et s’épuise, au milieu d’une chambre transformée en champ de bataille.

Une fois « range ta chambre », deux fois, dix fois. Le ton qui monte, la patience qui s’amenuise, mal au bide, mal au crâne, crevée, « tu vas la ranger ou je te confisque tes instruments, ça sera vite fait ».

Magie de l’éducation non bienveillante, quand elle remonte, la chambre est rangée, le linge est trié. Pour la discipline positive, cette fois, on repassera…

Puis débarque le conjoint et ses deux enfants, tous sourires, alors qu’elle est au bord de l’implosion. De 3, on passe à 6, plus on est de fous, plus on crie… Elle demande au conjoint de prendre le relais, espère un instant de repos, un moment de répit. Et assiste au désastre, la maison déjà en bazar qui se bordélise un peu plus, les avions en papier qui se mettent à voler, les enfants qui crient, qui pleurent… elle part s’allonger dans son lit, on verra plus tard.

Le soir, elle va se coucher tôt, écoute une méditation, s’endort, un peu plus apaisée.

Boum Badaboum, fait le conjoint en montant se coucher. Et les larmes fusent, le trop plein, le ras-le-bol, le « foutez-moi la paix ». Même dormir tranquillement, ce n’est pas permis.

Dimanche matin, monsieur travaille. Réveil en fanfare par le plus petit, à peine réveillée, 3 enfants à s’occuper. Pas une seconde de répit. Petit déjeuner, écouter, discuter, organiser une promenade parce que dehors il y a du soleil et que ça ne va pas durer, renoncer à partir à l’heure prévue, trop compliqué de les faire bouger.

Le papa est rentré, elle a passé son tour. Ballade seule dans la nature, le soleil est déjà parti, le ciel est gris, les nuages l’ont pris, elle a froid. Elle pense, rumine, réfléchit, à ce qu’elle a à faire, demain, aujourd’hui, charge mentale bien posée sur les épaules, quand elle se fait arrêter par une branche dressée au bord du chemin.

Petit message de la nature « arrête-toi, observe ». Pas de lapin, pas de chevreuil, rien d’inhabituel.

Alors elle se tourne vers l’intérieur, comme lui a appris sa thérapeute. Qu’est-ce que je vis, présentement ?

J’étouffe, je me sens envahie, comme si on versait du sable sur moi, qui me bloquait, me comprimait, m’étouffais. Je ne sais plus respirer. Quel âge a cette part de moi qui n’arrive plus à respirer ?

La réponse qui lui vient est 3 ans. Et les souvenirs affluent.

Elle se revoit, enfant, à l’école, se promenant dans l’allée au fond de la cour pour trouver des noisettes. Elle se revoit restant dans la classe pendant la récréation pour aider la maitresse à fabriquer des affiches, terminer une peinture. Elle se revoit en train de rêver, seule dans son coin.

Elle revoit aussi les autres, tous les autres, présents, bruyants, grouillants. La sieste où elle n’a jamais su dormir. Les ballons dans la gueule pendant la récré. Les histoires, les embrouilles, les autres.

Le sentiment de n’être pas à sa place, mais la peur de passer pour une bizarre, du jugement des autres, de leur regard, si elle s’écarte du groupe. Maternelle, primaire, collège, lycée, université… ces années à rester avec des autres qui ne la rendent pas heureuse, qui même parfois se moquent d’elle, pour faire rigoler. Ces autres qui lui servent de bouclier contre le reste du monde, tout plutôt qu’être seule….

Elle pense à son ado, qui lui assume qui il est, accepte de rester seul plutôt que mal accompagné, même si c’est compliqué. Et rencontre ainsi des tas de gens comme lui, se découvre des passions, des talents, et des amis. Elle se dit qu’avec lui, elle n’a pas tout raté. 

Aujourd’hui, elle n’a plus peur d’être seule. Elle a toujours du mal par contre à exiger qu’on la laisse tranquille, culpabilité, responsabilité, sens du devoir, sacrifice, besoin de contrôle…

Et elle comprend qu’à cause de cela, il y a une petite fille qui pleure à l’intérieur d’elle. Qui voudrait aller se promener pour ramasser des noisettes, qui voudrait rêver, inventer des histoires, des univers, qui voudrait s’envoler haut, très haut, tout là haut dans les étoiles, rêver grand, s’évader, accrochée à un vol d’oies sauvages…

Une petite fille qui réclame une petite bouffée d’oxygène, modestement, histoire de survivre encore un petit temps. Une petite fille qui mérite de respirer à pleins poumons, tellement elle est belle, tellement elle est importante, essentielle, même.

Elle se rend compte que depuis un moment, cette petite fille n’a pas eu le plus petit espace pour respirer, pour exister. Entre les devoirs, les contraintes, la fatigue, le quotidien, la maladie, les tâches à faire, encore et toujours. Toujours plus urgent, plus important, plus sérieux que s’asseoir et rêver. 

Alors elle prend la petite fille dans ses bras, tout contre son coeur. Et décide d’écrire son histoire. Parce qu’il y a surement dans ce monde des tas de petites filles qui ne demandent qu’à rêver, allongées le nez au vent, sous les étoiles. Des petites filles enfermées dans le coeur de mamans qui étouffent de ne pas réussir à les laisser vivre librement…

petite fille le nez au vent dans un champ

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